Mercredi 18 juin a été soumis à l’approbation du Parlement européen le projet de directive dite " retour " visant à harmoniser les conditions dans lesquelles les migrants irréguliers sur le territoire de l’Union européenne doivent être détenus et " reconduits ". Malgré la forte opposition populaire soutenue par nombre d’associations et de syndicats cette directive de la honte a été adoptée par le Parlement européen. En l’adoptant, sans y ajouter le moindre amendement, le texte de la « directive retour » négocié par les ministres de l’Intérieur et de l’Immigration des 27 Etats membres, a perdu une grande part de sa crédibilité quant à sa capacité à tenir son rôle d’instance démocratique chargée notamment de la protection des citoyens en Europe.
Il apparaît avant toute chose nécessaire de rappeler la réalité que recouvre l’expression, qui peut sembler bien anodine, de " retour ". L’expulsion est une violence qui multiplie les uns par les autres les traumatismes de l’arrestation inopinée, de l’emprisonnement, de la perte de son logement, d’une perte d’emploi, de la spoliation de la totalité de ses biens, parfois de la séparation brutale de son conjoint et de ses enfants, de la dislocation de tout lien avec son milieu et d’une reconduite contrainte, éventuellement assortie de violences.
C’est une humiliation dont on ne se remet pas. Le pays dans lequel on avait placé l’espoir d’une existence nouvelle, qu’on avait parfois bataillé des années pour rejoindre, vous rejette, vous expulse et vous dépose sans bagage sur un Tarmac où personne ne vous attend.
Même quand les expulsés ont des proches au pays, la honte les empêche parfois de les rejoindre : celui qui faisait vivre toute une famille est devenu une charge. Nombre d’expulsés finissent désespérés, désocialisés, à la rue, ou même se suicident... Il faut que ceux qui ont voté cette loi le sachent.
Cette directive européenne reflète en partie la brutalité du sort réservé aux sans-papiers : jusqu’à dix-huit mois d’internement pour le seul fait d’avoir franchi des frontières et de vouloir vivre en Europe ; rétention et expulsion de mineurs et de personnes vulnérables (femmes enceintes, personnes âgées, victimes de torture...) ; possibilité d’expulser des personnes vers un pays de transit, même en l’absence de lien avec ce pays ; interdiction de retour sur le territoire européen pour une durée de cinq ans de ceux ayant été expulsés ; absence d’obligation de fournir un titre de séjour aux étrangers souffrant de maladies graves ; application aux mineurs isolés de l’ensemble de ces mesures.
Les dispositions de la directive " retour " placent les étrangers en situation irrégulière, même mineurs, sous un régime d’exception : internement à la discrétion du pouvoir, faiblesse des droits de la défense, bannissement. Comment une institution censée incarner la démocratie à l’échelle de l’Union européenne peut-elle appeler à infliger un tel traitement à une fraction de sa population ?
Davantage encore que chacun des Parlements nationaux des Etats de l’Union, le Parlement européen avait une responsabilité devant l’histoire. Du fait de son existence récente, il n’a pas été mêlé aux déchirements et aux tyrannies du passé européen. Il incarnait au contraire un certain idéal, en rupture avec les conflits et les dictatures qui ont trop souvent marqué l’Europe. Avec ce vote, il disqualifie son institution.
Sourds aux appels des ONG, sourds aux appels des syndicats, sourds aux appels de nombreux représentants d’Etat du Sud, sourds aux mobilisations citoyennes, les parlementaires européens ont, dans leur majorité, choisi de renoncer à toute velléité de résister à la logique policière qui sous-tend la politique d’immigration conduite par les ministres de l’Intérieur en Europe depuis 20 ans.
Nous étudions avec nos partenaires toutes les voies possibles pour contester cette directive devant la Cour de justice ou la Cour européenne des droits de l’Homme.
Et dans le même temps, le ministre de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Développement solidaire, Hortefeux vient de se féliciter de l’augmentation significative du nombre d’étrangers en situation irrégulière expulsés ces derniers mois.
Nous dénonçons les drames humains et familiaux qui se cachent derrière cette politique aveugle du chiffre et réclamons la régularisation de tous les sans-papiers.
Rejoignons RESF63, les lundis à 18 h., salle de la LDH (ligue des droits de l’Homme) centre Jean Richepin à Clermont-Ferrand pour combattre ces lois iniques et aider, selon nos possibilités, les sans-papiers.
Ils ont besoin de nous, nous avons besoin d’eux !
Claude Delétang
Article extrait du bulletin 139 du 2 juillet 2008