Après deux ans d’attaques à caractère souvent idéologique remettant en cause l’identité des SES, discipline scolaire croisant les regards de différents champs scientifiques (économie, sociologie, anthropologie, science politique…) afin d’aborder des objets ou des questions faisant sens pour les élèves (l’entreprise, l’emploi, le chômage, les revenus et leurs inégalités, la famille, les modes de consommation…), le ministère entend imposer un nouveau programme, proche de celui proposé par l’Institut de l’Entreprise (association liée aux grands groupes industriels et financiers français et au Medef).
Ce programme remet en question le pluralisme des approches et relève essentiellement d’une démarche « microéconomique standard », rejetant par ailleurs tout esprit critique. Pour de nombreux élèves qui ne recevront un enseignement de SES qu’en seconde, il sera possible de quitter le système scolaire sans avoir abordé dans cette discipline des questions telles que l’emploi, le chômage, les revenus et leurs inégalités. Quant à la notion de développement durable, abordée dans bien d’autres disciplines, elle semble être tabou en SES !
Le programme comporte 12 « questions » proposées par le Ministère, 9 sont à caractère purement économique et 3 à dominante sociologique. Le programme apparaît ainsi comme une juxtaposition, sans fil conducteur, de deux disciplines, sans croisement des regards sur des objets précis. Ainsi l’entreprise devient une entité purement économique, sans aucun caractère ni juridique, ni social. En bref, elle n’est, pour l’essentiel qu’un lieu de combinaison de facteurs de production, sans dimension humaine (l’organisation du travail, les relations sociales et l’existence éventuelle de conflits sont totalement occultées…). Par ailleurs, le Ministère impose l’étude des 10 premières questions sur les 12, comprenant la totalité des 9 thèmes économiques. Autant dire qu’avec un horaire d’1 h 30 hebdomadaire et la lourdeur de ce qui est proposé, la sociologie risque fort de disparaître…
Rappelons enfin que cette réforme, rejetée par le SNES, fait des SES en seconde un enseignement « d’exploration », avec un horaire des plus limités et la remise en cause dans la grille horaire « nationale » des TD, pourtant indispensables pour se familiariser avec les méthodes de la discipline, et dont la pérennité sera laissée à l’appréciation locale. En totale contradiction avec cette démarche « exploratoire » qui aurait sans doute nécessité au préalable une réflexion approfondie sur l’ensemble des programmes de SES au lycée, le Ministère impose un programme bien plus lourd que le précédent (avec un horaire quasiment divisé par deux), très abstrait, risquant fort de confiner à l’ennui des jeunes de 15 ans arrivant en seconde. Ainsi et dans l’ordre du programme, les élèves devront commencer leur année de seconde en se familiarisant avec des outils du type « élasticité-prix » et « élasticité-revenu » pour éclairer les choix des consommateurs… Rappelons qu’il y a quelques années, le mouvement des étudiants contre l’autisme en économie avait déjà fustigé, pour le premier cycle universitaire, ce type de démarche !
Ce programme dogmatique est contraire à une conception moderne de la laïcité, qui devrait conduire à dispenser un enseignement scientifique tout en respectant les croyances de chacun, en permettant aux différentes théories qui peuvent s’opposer dans les sciences économiques et sociales d’être présentées aux élèves, sans faire de l’une d’elles une vérité officielle, et tout en cultivant l’esprit critique des jeunes. Excessivement lourd et anti-pédagogique, ce programme est inapplicable. En conséquence, le SNES demande au Ministère de revoir sa copie, en associant pleinement dans sa démarche l’ensemble des enseignants de SES.
Groupe SES du SNES
Cet article est repris du site http://www.snes.edu/Sciences-econom...