1) D’où ça part ?
« Silence, on lit » (SOL) est en fait le nom d’une association, née en 2016, qui veut s’appuyer sur des expérimentations pratiquées dans un lycée à Ankara en 2001. Selon le site de l’association, un premier temps de 10 minutes aurait alors été mise en place, avant d’être allongé de 5 à la demande des élèves.
Le conseil d’administration de l’association comprend notamment une académicienne, et jusqu’il y a peu la PDG des Editions Fayard. Son fonctionnement s’appuie sur des financements publics (Etat, collectivités comme par exemple le département du 62) et privés (recherche de mécénat d’entreprises et de fondations, y compris à caractère confessionnel), au travers de dons. Ce conseil d’administration est de taille réduite (de 6 à 12 membres), centrée sur les 3 membres fondateurs qui cooptent les autres.
Connue pour la promotion du dispositif "SOL", ce n’est qu’en juillet 2021 que l’association intègre à son objet le "quart d’heure lecture", là où en 2016 n’était évoquée que "la défense et la promotion du livre et de la lecture".
Entre-temps, JM Blanquer est devenu ministre de l’Education Nationale, et le dispositif s’est étendu à des centaines d’établissements du 1er et du 2d degré. Dès octobre 2018, un courrier partait de la DGESCO (ministère) aux recteurs des différentes académies, en leur demandant de développer le quart d’heure lecture dans les écoles et les lycées dans le cadre de la mobilisation pour le livre et la lecture. Il s’agit donc bien d’une commande institutionnelle à l’origine, et non d’initiatives spontanées. Dans notre académie, certains chefs d’établissement l’ont présenté aux équipes lors de la prérentrée comme s’agissant d’une demande du rectorat.
Or, à ce jour, rien ne permet de l’imposer et il ne fait d’ailleurs l’objet d’aucune réglementation. Notons que l’association SOL ne bénéficie pas, pour le moment, d’un agrément de l’Education Nationale, au niveau national comme au niveau académique. Et pour cause : l’association n’intervient pas le plus souvent en tant que telle dans les établissements, mais s’appuie sur des personnels qui se réclament de son action. En 2022, elle est associée au ministère de la culture pour la journée #10marsjelis, la lecture ayant été décrétée "grande cause nationale 2022". L’Education Nationale a promu cette journée au nom de la maîtrise des savoirs fondamentaux.
2) Quoi et quels objectifs ?
Il s’agit d’installer « des temps banalisés de lecture personnelle » où la seule règle/obligation est de lire de manière silencieuse un livre pendant 15 minutes que l’on a apporté. Généralement, le temps est pris sur une tranche horaire en début d’après-midi,
– soit prise sur l’heure de cours directement
– soit en-dehors des cours, par un jeu de réduction du temps de cantine, du temps de pause et de cours et rallongement de l’amplitude horaire d’une journée.
L’objectif affiché est d’engager les élèves à lire davantage, mais l’objectif aussi est d’apporter un climat scolaire plus serein : d’après le site Silence on lit, la mise en place du dispositif promet une baisse de 50% des incidents dans les établissements...
3) L’analyse du Snes-FSU : quels problèmes cela pose-t-il ?
Les élèves en difficulté déjà sur la lecture ont besoin d’être accompagnés. Le dispositif touchera donc essentiellement les élèves déjà lecteurs, mais est-ce vraiment l’objectif ? Comment rentrer dans une lecture contrainte en 15 minutes ? Comment lire et surveiller sa classe en même temps ?
La mise en place du dispositif, si elle est le fruit d’un travail et d’une réflexion collective au service des apprentissages et non d’une injonction professionnelle, ne pose pas de problème et relève de la liberté pédagogique. Idem si la mise en place est faite en dehors des cours par des collègues volontaires.
Malheureusement, certaines remontées d’établissements font état de pressions (conseil pédagogique, conseil d’administration) exercées pour mettre en place le dispositif.
Si ce temps de lecture est pris sur les premiers cours de l’après-midi, il ampute les horaires d’enseignement, ce qui pose problème pour les disciplines à faible horaire en particulier.
S’il a lieu avant la reprise des cours, pour le SNES-FSU, c’est du travail en plus qui doit être rémunéré. Dans ce cas, les équipes ont tout intérêt à demander à être payé en HSE.
Aucune réglementation n’impose de mettre en place ce dispositif, il convient donc aux équipes enseignantes de donner leur accord à sa mise en place et que leurs obligations réglementaires de service et leur liberté pédagogique soient respectées.
En cas de problème, contactez le SNES-FSU Clermont !